Extrait paru dans le Monde : le 31 janvier 2013, par Anthony Bonnet
Ce dimanche où, venu écouter une répétition de l’ensemble de musique ancienne Doulce Mémoire, on lui propose de chanter a capella dans l’église Saint-Julien de Tours, Taghi Akhbari n’hésite pas
et saisit sa chance. « Ça a été un choc », se souvient-il. Le choc d’une voix et de l’émotion qu’elle procure. Le choc d’une rencontre aussi, celle avec Denis Raisin-Dadre, le directeur
artistique de Doulce Mémoire, à l’origine de l’invitation. « C’était une vraie rencontre humaine, pas un pseudo-échange avec une vedette, confie ce dernier. Il fallait oser et avoir les nerfs
pour chanter seul comme il l’a fait. J’ai été impressionné par la puissance vocale et la simplicité de la personne. » À tel point qu’il décide de créer deux programmes avec Taghi Akhbari : « Les
roses d’Ispahan » en 2007 et « Les laudes » en 2009. Enregistrées à l’abbaye de Fontevraud, ces laudes mêlent la musique spirituelle des confréries chrétiennes et musulmanes, le chant perse et la
musique de la Renaissance. Rapidement récompensé par la critique, ce répertoire est un vrai succès : « On nous a invité deux années de suite à Lyon pour jouer le même programme avec le même
artiste, raconte Denis Raisin-Dadre. C’est la première fois que je voyais ça. » Un succès qui pousse Taghi Akhbari à donner la priorité au chant. Une réussite qu’il savoure d’autant plus qu’elle
n’était pas prévue. Ce « prince perse égaré en France », selon les mots de Denis Raisin-Dadre.
Après des études scientifiques supérieures, validées par un diplôme dʼingénieur physicien de lʼinstitut dʼoptique de Paris-Orsay, il se consacre finalement à sa passion de toujours, la musique, commencée en autodidacte à lʼadolescence, armé dʼune flûte à bec. Lors de ses études parisiennes, il suit les master classes de Franz Bruggen puis part se perfectionner auprès de Walter Van Hauwe à Amsterdam. Fasciné par la musique médiévale, il sʼintéresse de près à la cornemuse, aux flûtes doubles, à lʼassociation flûte à 3 trous et tambour et tout naturellement à leurs corollaires dans les musiques traditionnelles. En 1998, il devient disciple du Pandit Hariprasad Chaurasia, Grand Maître de la musique hindoustanie et de la flûte Bansuri.
Sa perpétuelle recherche des gestes et sons fondamentaux de lʼhumanité le mène vers lʼunivers fascinant des flûtes précolombiennes et des traditions amérindiennes. Une quête sans fin qui se traduit par un instrumentarium digne dʼun musée, à la différence près que Pierre Hamon lui insuffle la vie. Après avoir participé avec les Arts Florissants (Atys, Médée), lʼensemble Gilles Binchois, au renouveau de la musique ancienne, il est depuis 1994, le collaborateur privilégié et fidèle de Jordi Savall, enregistrant et se produisant à ses côtés dans le monde entier. Co-directeur avec Brigitte Lesne de lʼensemble Alla Franscesca, il enregistre avec cet ensemble une quinzaine de CD. Il se consacre depuis 2007 avec le chanteur Marc Mauillon à plusieurs projets autour du musicien poète Guillaume de Machaut, objets dʼenregistrements unanimement primés et salués par la critique française et internationale.
Parallèlement à ces ensembles, il privilégie les rencontres musicales en petites formations avec Carlo Rizzo, Jean-François Zygel ou Joël Grare, jusquʼà lʼexercice ultime et intérieur du récital solo : Lucente Stella et Hypnos. Depuis 1993, il est professeur au Conservatoire National Supérieur de Musique et Danse de Lyon, ainsi que lʼinvité des grands instituts de la musique ancienne comme la Schola Cantorum Basiliensis.
Diplômé de l’Université de Villa Maria (Argentine) en composition (spécialisation musique populaire), Esteban Valdivia est musicien, compositeur, improvisateur et interprète mais aussi chercheur universitaire. Il reconstruit lui-même les copies des flûtes et aérophones qu’il étudie (céramique, roseaux, etc.), depuis son enfance, il voyage régulièrement dans toute l’Amérique du Sud, particulièrement au Pérou, Bolivie, Mexique. Il a suivi l’enseignement du flûtiste chamane péruvien Tito La Rosa, qu’il a assisté dans de nombreuses cérémonies.
Depuis 2009, il développe un ambitieux projet, Sonidos de América, projet multidisciplinaire ethno-musicologique mais aussi anthropologique et artistique, qui l’amène à produire des documentaires, expositions et spectacles en collaboration avec la cinéaste Carolina Segre. C'est en 2014 qu'il rencontre les chanteurs d'oiseaux. De cette rencontre naîtra le projet Syrinx, l'oiseau symbole de l'univers.
Son énergie et ses talents multiples hors du commun en font une personnalité remarquable et unique dans la musique « ancestrale » américaine.